Test : My memory of us sur Nintendo Switch

My memory of us

Genre : Aventure, Plateforme, Casse-tête
Langue : Anglais Sous-titres : Anglais, Japonais, Français, Italien, Espagnol, Allemand, Coréen, Portugais, Russe, Chinois.
Développé par Juggler Games
Édité par Crunching Koalas
Sortie France : 24/01/2019
Prix : 14,99€ sur l’eShop, pas de version boîte
Taille : 2684,35 Mo
Joueurs : 1
Age minimum : 7 ans

Site Web Officiel

L’histoire de My memory of us débute dans le monde contemporain, mais conte les souvenirs d’un vieil homme qui, en une jeune fille venue lui emprunter un livre, reconnaît l’amie qu’il a eue autrefois lorsqu’il subsistait tant bien que mal au cœur du ghetto de Varsovie – une Varsovie semi-fictive puisque son architecture et ses habitants sont imprégnés d’une esthétique steampunk omniprésente. Les deux enfants, l’un voleur débrouillard mais esseulé, l’autre jeune fille vivant en compagnie de son grand-père invalide, devront se serrer les coudes afin de faire face à l’invasion de terrifiants robots nazis.

Ainsi, le scénario de My memory of us oscille constamment entre une inspiration rétro-futuriste et une métaphore très appuyée de la ségrégation des juifs au seuil de la Seconde Guerre Mondiale, tout en nous contant une relation amicale profondément poétique entre deux protagonistes dont l’innocence de la jeunesse semble s’étioler à mesure de notre avancée dans la trame narrative de l’oeuvre. Le ton employé est d’une délicatesse remarquable, puisqu’il permet d’aborder un sujet diablement macabre auprès du jeune public tout en contentant les adultes, pour lesquels les péripéties métaphoriques dévoileront clairement -peut-être un peu trop- leur second niveau de lecture !

Le gameplay du soft est classique mais efficace, et fonctionne à la manière de bon nombre de jeux d’aventures. Il s’agit ici d’un système de coopération permettant d’exploiter les compétences de nos deux héros. Par exemple, la jeune fille peut courir et utiliser un lance-pierres, tandis que le garçonnet sait se montrer discret, et profite de phases d’infiltration au gameplay primaire pour dérober des objets indispensables à sa progression, ou aveugler les passants en déviant la lumière du soleil par l’usage d’un miroir brisé. Les deux peuvent être reliés d’une simple pression de la touche X et se tenir la main afin de cheminer ensemble. Il est toutefois compliqué, dans certaines, situations, d’enchaîner des actions inutilement hachées : viser une pomme avec le lance-pierres, saisir le côté d’un énorme panier avec l’un des personnages, s’emparer du côté opposé avec l’autre, déplacer l’objet lourd, annuler l’action, se saisir à nouveau de la main de son petit protégé, etc. Peu ergonomique, surtout lors des phases de gameplay plus stimulantes telles que des courses poursuites avec les soldats ennemis ! A titre de comparaison, l’entraide est bien moins aisée que dans un Brothers : a tale of two sons.

Aussi, il arrive fréquemment au jeu de proposer divers (minuscules) casse-têtes ou jeux rythmiques, à la manière d’un Professeur Layton pour les premiers, ou des actions contextuelles proposées dans Soldats inconnus, pour les seconds. L’analogie sera purement factuelle puisque la très faible difficulté que rencontrera le joueur au cours de ses pérégrinations dissipera toute ressemblance avec les défis de l’homme au chapeau haut-de-forme ! Cela permet de diversifier l’expérience de jeu, même si celui-ci n’aurait aucunement souffert de l’absence de ces énigmes, qui ralentissent davantage la progression narrative qu’elles ne fascinent réellement.

L’esthétique de My memory of us est tout simplement exquise. Comme évoqué précédemment, le soft est imprégné d’une atmosphère steampunk très travaillée, et les graphismes monochromes sont une pure merveille. Le chara-design oppose des personnages positifs aux rondeurs bienveillantes à des antagonistes plus anguleux et dont les teintes sombres suffisent à rappeler leurs intentions peu louables. En outre, il arrive souvent que la couleur rouge vienne rompre la monotonie apparente des teintes de noir et de gris afin de mettre en valeur un élément essentiel ou de symboliser la ségrégation raciale, comme un signe distinctif tyrannique dont l’Homme ne saurait se défaire. Si le procédé n’est en rien révolutionnaire, son usage fait ici pleinement sens.

Quant à l’ambiance sonore, elle jouit également d’un soin tout particulier, non seulement pour les pistes musicales qu’elle propose, alternant entre des thèmes rétros et des sonorités plus modernes, mais surtout pour le talent du narrateur et conteur Patrick Stewart qui, même s’il n’atteint pas l’excellence de Danny Wallace dans le fascinant Thomas was alone -une référence en la matière- réussit à envoûter le joueur et à lui transmettre ses émotions. On aurait d’ailleurs aimé que sa voix se montre plus présente et ne se contente pas des transitions entre les chapitres, afin de rendre ce souvenir nostalgique plus organique encore.

L’aventure peut se terminer en trois à cinq heures, selon l’habitude du joueur -ou non- à se frotter au genre. Les épreuves sont rarement complexes, et les échecs se soldent par de brefs retours en arrière, sécurisés par de précieux et fréquents checkpoints. Une durée de vie honorable, d’autant plus que le cheminement n’est jamais ennuyeux, et la relation entre les personnages est très attachante.

Le véritable intérêt réside surtout dans l’obtention de souvenirs à débusquer dans les décors. Facilement trouvables, ils débloquent des dossiers tissant un lien concret avec la véritable Histoire, et nous livrant des informations essentielles sur le contexte géo-politique de l’époque ou sur l’existence de figures emblématiques telles que Wladyslaw Szpilman, que les cinéphiles connaissent forcément comme étant le personnage central du Pianiste de Roman Polanski. Malgré tout, ces documents glanés se content de nous montrer la version cartoon de ces femmes et hommes illustres, là où Soldats Inconnus – encore lui ! – nous délivrait par dizaines les images colorisées issues du documentaire Apocalypse : Première Guerre. My memory of us souffre donc de l’inévitable comparaison, et se prive ainsi de vertus pédagogiques certaines, alors que le thème et l’époque traités sont essentiels. Par conséquent, l’utilisation scolaire du soft se verra moins pertinente qu’elle aurait pu l’être, même si les développeurs du jeu ont, de toute évidence, préféré mettre l’accent sur la poésie d’une relation enfantine plutôt que sur l’exposé historique pur. Un choix que l’on respectera et dont la démarche se rapproche du récent 11-11 : Memories retold qui, lui aussi, préférait mettre en lumière les idéaux et les rêves de ses protagonistes au détriment des grandes décisions politiques et militaires du contexte évoqué.

Poétique et sensible, My memory of us est une envoûtante métaphore historique qui ravira le joueur le temps d’un souvenir. L’esthétique graphique, sublimée par le bel écran de la Nintendo Switch, se marie harmonieusement avec l’ambiance sonore ponctuée par la narration efficace du conteur Patrick Stewart. Nous ne pouvons que vivement conseiller ce jeu à la double lecture, qui s’adresse autant à un jeune public qu’à un adulte plus averti, même s’il souffre d’un certain manque de profondeur et de subtilité par moments. Véritable main tendue au joueur désireux d’embuer ses yeux, nul doute que My memory of us saura lui permettre d’enjamber ses petites imperfections afin d’apprécier pleinement la douceur qu’il diffusera tout au long de leur cheminement.

Test réalisé par Ventnocturne sur une version offerte par l’éditeur
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